Du pain frais sinon rien: la pression des consommateurs sur les boulangers induit des pertes de nourriture importantesDu pain frais sinon rien: la pression des consommateurs sur les boulangers induit des pertes de nourriture importantes
Gand, janvier 2020 | Au levain, aux céréales, complet ou blanc, le pain fait partie de notre vie à tous. Il accompagne nos repas, se tartine volontiers de confiture et équilibre notre alimentation. Pourtant, le pain est une des grandes victimes d’un mal sournois: le gaspillage.
Nous vous emmenons dans les coulisses de boulangeries pour comprendre l’ampleur de ce phénomène sous-estimé après avoir réalisé une étude auprès de 300 boulangeries dans toute la Belgique. Pour que nous soyons conscients.
- Les boulangers interrogés répondent à 62.7% que la pression des consommateurs les oblige à produire plus.
- 7% de la production des boulangeries belges est perdue en moyenne chaque semaine.
- 61% des répondants affirment que le manque à gagner lié au gaspillage de nourriture les motivent à trouver des solutions pour le limiter.
- Le don des invendus pour nourrir les animaux est la mesure la plus citée par notre panel pour réduire les déchets alimentaires.
Un paradoxe embarrassant
En moyenne en Belgique, les boulangeries perdent près de 7% de leur production hebdomadaire qui est ainsi écartée de la vente ou jetée. Pour certains commerces, ce ratio grimpe jusqu’à la moitié de leur production. Pourtant, pour la quasi-totalité des boulangers interrogés, le gaspillage est considéré comme un mal à combattre. Un mal économique principalement. 61% des répondants affirment que le manque à gagner lié au gaspillage les motivent à trouver des solutions pour le limiter. La conscience environnementale suit mais de loin avec 16%.
Ainsi, pourquoi tous les boulangers semblent concernés par les questions de gaspillage alimentaire alors que les pertes et invendus semblent encore si importants ?
Il serait trop facile de blâmer ces artisans, car les difficultés rencontrées sont bien réelles.
Du pain frais sinon rien: la pression des consommateurs
Le métier de boulanger, ce n’est pas seulement pétrir la pâte ou tamiser la farine. En coulisse, il faut anticiper la demande pour adapter au mieux sa production. En effet, la demande est l’un des facteurs les plus difficiles à déterminer alors qu’il est largement mis en cause dans le gaspillage et perte de nourriture. Les boulangers doivent donc s’appuyer sur leur expérience et leurs observations. Bien loin d’une science exacte donc.
Bien gérer la demande est devenu un exercice difficile, d’autant que les clients sont aussi de plus en plus exigeants, et s’attendent à trouver des comptoirs bien garnis, même en fin de journée. Le gaspillage devient alors fréquent, inévitable même. Un crève-cœur pour des artisans passionnés. Les boulangers interrogés répondent à 62.7% que la pression des consommateurs les oblige à produire plus.
“Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser nos étagères vides avec un choix restreint de produits. Sans forcément faire de zèle, il en faut pour tous les goûts à tous moments, car un client déçu est un client qui ira voir ailleurs. Nous n’avons pas le choix”, nous confie Céline Thirion, gérante des boulangeries de la Maison Thirion.
Les pains au chocolat et croissants doivent donc être produits tout au long de la journée, pour répondre à l’envie irrépressible de clients d’en déguster en milieu d’après-midi. La pression des consommateurs est bien réelle. Les boulangers préfèrent produire plus de pains et viennoiseries plutôt que de risquer de ne pas avoir assez d’offre à proposer. Le manque à gagner serait alors plus pénalisant financièrement que de jeter de la nourriture.
Quand il n’y en a plus, il n’y en a plus !
Produire une quantité fixe de produits en début de journée, c'est effectivement le parti pris de certaines boulangeries et permet de limiter efficacement les pertes alimentaires.
Comme l’indique Sébastien Rochez de la Boulangerie les tanneurs à Bruxelles, “notre production pour le magasin est planifiée en fonction des jours et aucun réassort n’est prévu. Quand tout est parti, il est trop tard. Les clients ont l’habitude et le conçoivent très bien. Cela nous permet de réduire le gaspillage en quasi-totalité.”
Effectivement, certains clients semblent être compréhensifs et raisonnables, à l’image de Michelle, 43 ans, qui nous montre la voie. “Il est vrai qu’en sortant du travail tardivement, je me retrouve souvent avec un choix plus limité. Mais je le comprends. Je préfère déguster une excellente baguette traditionnelle produite le matin, plutôt que de consommer un pain tout juste cuit d’une qualité moindre”.
Que deviennent les invendus ?
La plupart des boulangers font le choix de donner les invendus du jour à leurs clients afin de nourrir les animaux. C’est même la mesure la plus citée par notre panel avec 62% des réponses. Kevin Jourdan, éducateur canin nous rappelle que “même si le pain n’est pas dangereux, les valeurs nutritionnelles ne sont pas très réjouissantes. On peut donc se poser la question de savoir si le pain a vraiment sa place dans l’alimentation des animaux, et des chiens notamment.” En savoir plus
Une autre alternative est donc préférable, à l’image de la remise en vente de certains produits le lendemain, essentiellement des pains et viennoiseries, autorisée quand elle ne présente pas de risque pour la santé, comme nous l’explique Stéphanie Maquoi, porte-parole de l’Afsca, l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire.
“Il n’existe pas de règles spécifiques prévues au niveau sanitaire pour les invendus. Le fabricant est le seul responsable pour déterminer la durabilité de son produit. Il décidera donc jusqu’à quand un produit pourra être consommé en toute sécurité”.
Une pratique qui peut donc être facilement mise en place, mais faut-il le signaler au consommateur? La loi est claire, "vendre un pain ou une pâtisserie de la veille n'est pas interdit et rien n'oblige un boulanger à en informer le consommateur", signale le SPF Economie. Mais il est “interdit de tromper un consommateur par exemple en faisant croire que le produit est frais du jour.”
Cela s’applique aussi à la réutilisation de certains produits invendus, incorporés dans d’autres recettes, comme Carine de La pâtisserie Chanson à Anderlecht qui essaie autant que possible d’utiliser les restes de cramiques ou autres pains pour faire du bodding (vieux gâteaux de nos grands-mères).
La distribution aux associations représente quant à elle 18% des initiatives adoptées par les boulangeries interrogées. “Du côté de l’AFSCA, des assouplissements existent afin de faciliter et encourager les dons alimentaires, en toute sécurité : ainsi la traçabilité est assouplie” nous confie Stéphanie Maquoi. En savoir plus
N’oublions pas le recours aux applications qui permettent d’écouler les invendus du jour pour une somme modique, comme le propose Too Good To Go, qui compte 819 boulangeries partenaires en Belgique, ce qui représente 1/5è du total des boulangeries répertoriées sur le territoire.
Seule une petite minorité des réponses (3% à peine) montrent que certains boulangers ne prennent aucune mesure pour limiter le gaspillage, considérant que cela fait partie de leur métier. Dans ce cas, ce qui est invendu et tout simplement jeté.
Les boulangers de plus en plus conscients ?
La lutte contre le gaspillage alimentaire n’est pas la seule disposition que certains boulangers ont adoptée. Cette attitude plus responsable est généralement inscrite dans une démarche globale. Ainsi, plus de la moitié des initiatives concerne la limitation des emballages plastiques. Ce qui semble aller de pair avec une conscience grandissante de la part des clients qui amènent plus volontiers leurs propres contenants. Une tendance vécue par nos boulangers qui ont vus cette pratique s’intensifier.
Et nous consommateurs, comment pouvons-nous contribuer à réduire le gaspillage ?
À la maison, le pain est l’un des aliments le plus gaspillé. En Flandre, une étude de Vlaamse overheid, menée en 2015 montre que le pain et les pâtisseries représentent 23% du contenu de nos déchets ménagers. Il est pourtant très simple de réduire cette part. Quelques règles d’or s’appliquent pour conserver son pain plus longtemps à la maison, que vous retrouverez en détail ici.
La meilleure méthode reste de simplement enrouler un linge autour du pain, et de le placer à un endroit ni trop chaud, ni trop froid (entre 14 et 18°), et plutôt sec. Et si votre pain est déjà rassi : passez le sous un filet d’eau avant de le faire sécher dans un four à 70°.
Plus surprenant encore, placer une branche de céleri ou un morceau de pomme de terre dans le sac suffit à lui redonner humidité, croustillant et moelleux.
À vous de jouer !
Contact presse: Marine Couturier - mcouturier@toogoodtogo.be - 0494 18 20 16
Pour télécharger le matériel de presse, cliquez ici
Note à la presse:
Malgré nos recherches, nous n’avons pas pu trouver d’études ou statistiques éloquentes pour quantifier et qualifier le gaspillage alimentaire dans les boulangeries en Belgique. Alors, pour comprendre et estimer ces pertes, Too Good To Go a demandé d’inclure une série de questions dans une étude de marché conduite par Bakkerspanel durant les mois de novembre et décembre 2019.
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